PARTIE 2 :
« Nous avons trouvé notre public »
du Bioscope et de l'EcoMusée d'Alsace (de 2006 à 2008).
ParkOtheK : Ouvert en 2006 sur le thème de l'Homme et de son environnement, le Bioscope a modifié son thème en 2007 pour ne plus se consacrer qu'à l'Environnement et au développement durable. Pourquoi un tel changement ?
Christian Douchement : Après l'ouverture du Bioscope, nous avons rapidement pris conscience que le contenu du parc était en décalage avec le public que nous avions ciblé, à savoir les familles avec enfants.
L'opérateur du Bioscope, Grévin et Cie à l'époque, est sous contrat de Délégation de Service Public avec la région Alsace : sur les 31 millions d'euros investis initialement, 51% l'ont été par Grévin et Cie, les 49% restants sont supportés à égalité par la Région Alsace et le Département du Haut-Rhin.
Après la première année d'exploitation, le Bioscope a connu un vrai choc. - NDLR : 60.000 visiteurs au lieu des 170.000 prévus-. Fin 2006, nous avons présenté aux élus alsaciens de nouvelles orientations nécessaires à la relance du parc : le retour client assez défavorable et les chiffres de fréquentation à l'appui, l'exploitant du parc, la Compagnie des Alpes, a soutenu le fait que la vaste thématique de l'Homme était très difficilement thématisable. Nous avons souhaité rendre la thématique plus claire, donc beaucoup plus vendable à notre futur public. Notre mission désormais, est de nourrir la marque Bioscope autour d'un thème unique, celui de l'environnement.
POTK : Comment s'est opéré un tel changement ? Quelles en sont les conséquences aujourd'hui ?
C.D. : A l'époque, Grévin et Cie avait mis en réserve 40% de son investissement initial pour le développement futur du parc. Après cette première saison mitigée, ces fonds nous ont donné la capacité d'être très réactif au moment de modifier 80% du contenu des pavillons. Cette capacité d'investissement a permis de redresser la barre plus vite que d'autres sites ludiques et éducatifs en France qui ont connu des périodes difficiles.
Nos animations sont devenues plus ludiques et interactives, et ont eu pour effet d'attirer 92% de visiteurs accompagnés d'enfants, contre 60% la première année. Ce changement très positif a eu malgré tout des répercussions dans un autre domaine : à l'inverse des couples qui représentaient 40% de nos visiteurs en 2006, les familles que nous attirons en grande majorité aujourd'hui pratiquent plus souvent le pique-nique au parc, ce qui a eu pour conséquence de diminuer le nombre de repas pris dans nos 2 restaurants. Néanmoins, 40% de nos visiteurs mangent sur place dans un des points de vente.
Nous avons été très à l'écoute de nos clients en dépassant une inhibition qui s'était peut-être imposée lors de la conception du parc : le Bioscope était beaucoup trop sérieux et éducatif. S'il se situe à proximité d'une grande ville, un site peut ne proposer que de la pédagogie à ses visiteurs, comme la Cité des Sciences à Paris. En région, la situation est très différente : il faut ajouter une composante ludique si on souhaite faire revenir nos visiteurs. Aujourd'hui, les visiteurs recherchent autre chose que de la pédagogie accessible facilement par les moyens multimédias modernes.
Le Nautilus.© CDA |
La Maison des Energies© CDA | © CDA |
Planète Party© CDA |
Notre communication s'est aussi adaptée : par exemple, on ne vient pas au Bioscope pour « apprendre en s'amusant » -vieil adage caractéristique des sites ludiques et éducatifs-, mais nous disons à nos jeunes visiteurs : « Viens t'amuser, et tu apprendras !». Avec le Bioscope nouvelle version, nous venons de créer un nouveau type de divertissement familial, sans pour autant avoir dénaturé l'âme originelle du site.
POTK : Aujourd'hui, que manque-t-il au Bioscope selon vous ?
C.D. : Le parc est bien équilibré tel qu'il est : nous avons un mélange d'activités ludiques interactives et de spectacles vivants. Nous n'envisageons pas d'ouvrir de grosses attractions, pour ainsi dire, nous ne souhaitons pas devenir un « mauvais Europa-Park ». (NDLR : Europa-Park, plus grand parc de loisirs allemand se situe à 1 h du Bioscope). En revanche, le Bioscope se doit de proposer dans le futur des activités ludiques, surprenantes, familiales et surtout spectaculaires. Je crois beaucoup à la dimension spectaculaire pour faire passer un message éducatif dans un parc comme le nôtre.
POTK : Quelles sont les prochaines étapes du développement du Bioscope ?
C.D. : Il reste encore une grande synergie à développer avec l'EcoMusée d'Alsace, notre voisin. Entrée dans l'actionnariat de l'EcoMusée en 2007, la Compagnie des Alpes est chargée de la communication, des services, de l'hébergement et de la billetterie de ce site touristique d'exception. Alors que le Bioscope est un partenariat public/privé, l'Ecomusée est une collaboration association/opérateur privé originale : la Compagnie des Alpes applique son savoir-faire en matière de gestion et de promotion d'espace de loisirs, l'Association de l'Ecomusée continue de promouvoir les traditions régionales et apporte une vraie valeur ajoutée au site. Chacun exerce son métier dans son domaine, nous sommes très complémentaires.
Nous avons en projet de créer un passage entre nos sites afin d'encourager les visiteurs à découvrir les deux parcs, notamment grâce à nos forfaits combinés. Le contenu de l'EcoMusée sera aussi amené à évoluer au fil du temps : la zone foraine 1900 qui existe déjà pourrait s'agrandir par exemple.
Développer des hébergements est un des leviers de croissance pour développer nos deux sites touristiques et augmenter le trafic en Alsace, 4° région touristique française. Nous gérons déjà les 160 lits et la taverne dont dispose l'EcoMusée, mais nous étudions activement la possibilité d'implanter un centre Pierre et Vacances avec 500 hébergements touristiques et un complexe aquatique.
Côté Bioscope, nous avons trouvé notre modèle et notre public. Mais l'offre reste évidemment à parfaire et à étendre : en 2007, nos investissements portaient sur le renouvellement de nos animations, en 2008 et dans le futur, ils porteront sur l'extension du parc et de nos animations. Nos nouveautés de cette année sont déjà inscrites dans cette tendance. Le labyrinthe Dédaloscope et le cinéma interactif Mission Océan sont devenues les activités les plus populaires du parc.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'engagement écologique du Bioscope ? Quelles sont les solutions employées au quotidien sur le parc ?
C.D. : Nous sommes partenaires de nombreuses associations, institutions, et accueillons régulièrement des expositions engagés (film, expo, débat, conférence, exposition de matériel, etc.). Nous projetons le film d'Al Gore, avons comme partenariat l'action www.actioncarbone.org (Yann Arthus Bertrand), Gaz de France, etc. Nous sommes signataires du plan climat territorial de l'agglomération de Mulhouse et du cercle de réflexion de la société industrielle de Mulhouse autour de son projet SIM Tank développement durable, ou encore partenaire et hôte d'honneur du Salon Energissima en Suisse.
Enfin nous accueillons de nombreuses manifestations, débats et conférence engagés, et responsables.
Nous sommes également engagés en interne avec une vraie réflexion sur nos consommations, sur notre mode de gestion des énergies et des déchets par exemple (pompe à chaleur, production d'eau chaude au solaire, compostage des déchets verts, tris sélectifs, utilisation de documents en papier recyclés, optimisation de la communication sur le web, recherche de partenaires locaux pour la distribution de documents (pour éviter les déplacements multiples, etc.), sur les déplacements (déplacement des équipes en véhicule électrique, en vélo, etc.) ou pour de nombreux services clients (réduction des déchets sur la sandwicherie, proposition de livres engagés en boutique, produits issus des filières courtes, etc.)
Et même si nous ne sommes pas parfaits et si nous ne sommes pas la vitrine du développement durable, nos engagements et notre mission visent à sensibiliser nos visiteurs à l'environnement.
Le Futur du Bioscope et de l'EcoMusée d'Alsace.
En 2012, le groupe Pierre et Vacances prévoit d'ouvrir et d'exploiter un « Eco-Village » composé de 500 maisons à terme destinées à la location pour des séjours de courte et moyenne durée. Il devrait être agrémenté d'équipements sportifs et de loisirs, de restauration, de commerces et services, et d'un club pour enfants.
Il y sera implanté un centre aqualudique, ouvert aux résidents, aux scolaires, ainsi qu'au grand public, apportant une offre complémentaire aux besoins d'équipements de piscines de la communauté d'Agglomération Mulhouse Sud-Alsace (CAMSA).
Selon la région Alsace, « ce projet vise à créer une destination touristique innovante fondée sur les valeurs de développement durable, et de respect de l'environnement, complémentaire des deux sites touristiques de l'Ecomusée et du Bioscope. »
Le 7 novembre dernier a été signé le protocole d'accord entre l'opérateur privé Pierre et Vacances, et les élus locaux d'abord hostiles au projet qui jugeaient excessive l'implication des collectivités locales dans un tel projet immobilier.
Le montant des investissements nécessaires pour le village et le pôle aquatique est évalué à 130 M d'euros, avec un soutien attendu de 22 M d'euros des collectivités alsaciennes, répartis de la façon suivante : 8 M d'euros de la CAMSA, 8 M d'euros du Conseil Général du Haut-Rhin et 6 M d'euros de la Région Alsace.
Ce projet est stratégique pour l'économie touristique alsacienne et pour la reconversion du bassin potassique. Il devrait créer, hors chantier, 75 emplois directs et 97 emplois indirects, générer chaque année des recettes estimées à 200 000 &euro de taxe professionnelle, 232 000 euros de taxe foncière et 120 000 euros de taxe de séjour.
Il permettra de créer 400 000 nuitées supplémentaires par an, soit une hausse de 7% des nuitées marchandes en Alsace, et devrait apporter 100 000 entrées supplémentaires à l'Ecomusée et au Bioscope.
Le groupe Pierre & Vacances est le leader européen des résidences de vacances, dont la réussite repose sur un modèle économique basé sur la synergie entre l'immobilier et le tourisme. Il gère un parc touristique de 48 300 appartements et maisons en Europe, il a accueilli 6,9 millions de clients et a réalisé un chiffre de 1,55 milliard d'euros, en 2007. En 2000, Pierre et Vacances avait racheté la totalité des 10 Center Parcs européens dont il est encore aujourd'hui propriétaire. Le concept Center Parc inspirera très probablement cet « éco-village ».
Le Bioscope en chiffres
- 12 hectares.
- 2,5% du C.A. reversé aux collectivités locales.
- 60.000 visiteurs en 2006, 85.000 en 2007, 115.000 en 2008. Exploitation encore déficitaire.
- 61 M d'euros d'investissement à l'ouverture en 2006 (Partenariat Public Privé)
- 1991 : Naissance de l'idée du Bioscope.
- 2006 : Ouverture.
Interview réalisée en Juillet 2008.
Christian Douchement a quitté son poste de directeur à la fin de cette saison. M. Éric Barberet-Girardin, ancien directeur de l'Aquaparc du Bouveret en Suisse (également exploité par la Compagnie des Alpes), a pris désormais la direction du Bioscope.
Propos recueillis et dossier rédigé par
Simon Bourlet