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Le Paris des Parcs : une ville en fêtes.
Les premiers parcs de loisirs auraient-ils vu le jour au coeur de Paris ? C'est ce que l'Histoire de la ville nous porteà croire. Au cours de cette série d'articles, nous vous invitons pour un voyage dans le temps à la découverte des tous premiers jardins spectacles parisiens qui animèrent la ville à partir de la seconde moitié du 18e siècle. Vous visiterez Paris comme vous ne l'aviez jamais imaginée, avec un immense jardin d'attractions là où se trouvent aujourd'hui la gare Saint Lazare et le quartier de l'Europe, avec des montagnes russes au bord des Champs Elysées et sur les collines de Belleville et un Luna Park à la place du Palais des Congrès de la Porte Maillot. Que l'histoire commence !

PARTIE 1 :

Jardins et divertissements avant la révolution française



L'art des jardins



Fête à Chantilly
Fête à Chantilly
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Si l'on retrouve de nombreuses mentions des jardins de l'Antiquité et du Moyen-Age dans les récits et les légendes, c'est surtout lors du mouvement artistique de la Renaissance que se développe l'art de créer des jardins et également l'art d'y vivre. Nous en avons de nombreuses représentations et de nombreux jardins de la renaissance existent encore aujourd'hui. La période Baroque sous Louis XIV apporta la conception à la française des jardins par le talentueux André Le Notre qui créa, entre autres, les jardins des Tuileries à Paris, de Vaux le Vicomte et de Chantilly en région parisienne. Ces jardins furent le théâtre de nombreux évènements d'apparat et de nombreuses fêtes données en l'honneur du roi qui venait en visite (pour en avoir une idée je conseille le film « Vatel » qui met en scène une grande fête dans le parc du château de Chantilly) et étaient donc devenus d'importants espaces à vivre. Les jardins étaient en effet des espaces naturels mais accueillaient des activités que l'on n'aurait pas faites en forêt qui est pourtant également un espace naturel. A l'inverse, on ne chassait pas dans les jardins.Le Paris du 17e siècle était une ville sale, bruyante, mal organisée et qui ne possédait qu'un seul jardin à l'intérieur de ses murs, le jardin royal des Tuileries. C'était le seul espace parisien où l'on pouvait être à l'écart des nuisances de la ville. Néanmoins il était réservé à l'élite et restait un espace officiel de la cour du roi. Le peuple qui souhaitait profiter d'espaces naturels n'avait d'autre choix que de quitter la ville en direction des faubourgs, des bords de Marne ou des ports de Bercy ou d'Auteuil. Déjà en ces lieux et à cette époque se développaient des jeux (balançoires) et des festivités (les guinguettes), l'alcool était moins cher que dans la ville puisqu'il échappait à la taxe d'entrée. Il paraît qu'on y vit des feux d'artifices et des éclairages au lampion.

Il fallut attendre la seconde moitié du 18e siècle pour voir apparaître un jardin alternatif aux Tuileries, celui, non loin de là, du Palais Royal, propriété du Duc d'Orléans. Ce jardin s'est développé indépendamment du protocole de la Cour et intégra des marchands, des cafés et des clubs. L'entrée était payante mais le jardin du Palais Royal proposait de nombreuses animations. C'est notamment dans cette atmosphère de fête que se sont développées, plus tard, les idées révolutionnaires.

Les Folies Parisiennes



C'est à partir de l'ouverture du Palais Royal que d'autres nobles ont commencé à aménager en jardin le domaine de leur propriété en bordure de Paris et à y organiser des fêtes. Les Folies étaient nées. Ces Folies étaient le nom de ces grands jardins somptueusement aménagés en mélangeant les styles et en rivalisant d'originalité et qui étaient le théâtre de fêtes impressionnantes avec feux d'artifice, danseuses et musique.

Simon-Charles Boutin
Simon-Charles Boutin
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Une de ces Folies était particulièrement grande et originale, celle de Monsieur Boutin (1720-1794) alors receveur général des finances. Ce riche financier avait acheté en 1766 un terrain d'environ huit hectares à Saint Lazare, en remontant vers Clichy, pour y établir sa maison et son jardin.

En cinq ans de travaux il transforma ce terrain en un sublime jardin. Exploitant intelligemment la pente naturelle du jardin il y créa des terrasses, des belvédères et des rivières artificielles. La moitié du terrain était consacrée à des activités utiles (potager, verger, espaces pour les animaux) et le reste était aménagé en trois styles différents de jardins d'agrément. Un jardin à la française consistait en une longue perspective faite de tapis verts, de miroirs d'eau et d'alignements de marronniers. Un jardin à l'italienne était fait de terrasses, d'allées rayonnantes et d'effets optiques. Et enfin s'y trouvait un jardin à l'anglaise dans lequel serpentait une rivière bordée de rochers, d'essences rares et de fausses ruines gothiques.

Le Jardin de M. Boutin, ou le Tivoli. ©

Le Jardin de M. Boutin, ou le Tivoli.
C'est le premier plan connu du parc quelques années après sa création.
Ce plan montre les divisions du jardin : jardin anglais, parterres au centre,
potager avec sa cascade décorée de coquillages, jardin italien.

C'était assurément le plus original des jardins conçus à l'époque. Son propriétaire le nomma Tivoli. Ce nom fut choisi en référence à la ville italienne de Tivoli, non loin de Rome, où se trouve la villa de l'empereur romain Hadrien (76-138) ainsi que la villa d'Este célèbre pour ses magnifiques jardins Renaissance. Ces jardins ainsi que le paysage romain qui les environnait inspirèrent certains peintres et jardiniers du 17e siècle, dont Le Nôtre qui alla les visiter. Ils apparurent lors du 18e siècle comme une possibilité de renouveau pour les jardins français construits à l'époque, comme celui de M.Boutin par exemple.

En plus d'un jardin, la propriété de M.Boutin hébergeait quelques installations destinées à accueillir des activités de recherche scientifique. A l'époque les riches financiers comme M. Boutin étaient également de grands mécènes pour la recherche scientifique. En contrepartie, les expériences de physique qui s'y déroulaient pouvaient jouer le rôle d'attractions spectaculaires pour les invités (les ascensions d'aérostats par exemple).

Allée centrale de Tivoli ©

Allée centrale de Tivoli. Car l'objectif était bien sûr celui-ci : offrir le plus possible à ses visiteurs-invités. On devine déjà ici la subtile distinction bien connue et chère aux parcs Disney qui veulent que leurs visiteurs soient leurs invités ("Guests" dans la terminologie Disney). On entrait dans ces jardins en y étant invité mais en reversant une participation. C'est à ce moment que le jardin cessa d'être un simple lieu pour la promenade animé seulement lors de grandes célébrations comme à l'époque de Louis XIV. Les fêtes y étaient beaucoup plus fréquentes et les divertissements étaient souvent renouvelés. L'importance de ces lieux pour la vie sociale n'avait jamais été si importante auparavant.

Vincent Philippe

A suivre : Partie 2, L'apogée des jardins-spectacles, les Montagnes Russes.

Remerciements à Gilles Antoine Langlois, auteur de "Folies, Tivolis, et Attractions" (1991), édité par la Délégation à l'Action artistique de la ville de Paris.
Les illustrations ont été reproduites avec autorisation et sont soumises à copyright.
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